Alors que l’examen du projet de loi dit « asile-immigrations » débute à l’Assemblée nationale, la Ligue de l’enseignement exprime son opposition à une politique de suspicion, voire de répression à l’endroit des migrants et demandeurs d’asile, et rappelle combien notre pays s’est enrichi des apports successifs des migrations au cours de son histoire.
Dans un monde de plus en plus ouvert, chacun sait que les migrations de tous ordres ne feront demain que s’amplifier et viendront grossir les flux des personnes cherchant refuge et protection.
Si cette question migratoire interpelle d’abord l’histoire humaniste de notre pays, elle percute également notre volonté d’égalité : elle est un défi social et politique majeur qui interroge la laïcité, le vivre ensemble et les valeurs républicaines de solidarité et de fraternité pour lesquelles la Ligue de l’enseignement combat depuis plus de 150 ans.
En tout premier lieu, à la veille de son examen par l’Assemblée nationale, la Ligue de l’enseignement s’associe aux nombreuses associations, fondations, collectifs mais aussi aux citoyens mobilisés pour accueillir et accompagner les personnes en danger ou en souffrance qui se réfugient en France, pour souligner que le projet de loi « Pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif », dit « asile-immigrations », ne réunit pas aujourd’hui les conditions minimales de garanties des droits des migrants.
Dans ce cadre, la Ligue de l’enseignement demande notamment :
- la mise en œuvre des moyens nécessaires à l’accueil (hébergement et accompagnement) des mineurs non accompagnés, ainsi que l’interdiction de la rétention des mineurs (le recours à la notion de vulnérabilité étant insuffisamment protectrice, car bien trop subjective) ;
- la réduction des délais de rétention (que les amendements adoptés en commission à l’Assemblée nationale ont certes réduit à 90 jours, mais même sur cette nouvelle base ce délai reste inacceptable car il double encore celui de 45 jours actuellement en vigueur, sans faire la preuve d’une quelconque efficacité) ;
- la suppression de la réduction des délais de recours à la Cour nationale du droit d’asile, ne garantissant pas l’effectivité du droit à faire appel ;
- la remise en question du règlement Dublin, système inefficace et inhumain de gestion des flux de demandes d’asile en Europe.
Par ailleurs, la Ligue de l’enseignement dénonce l’incapacité entretenue de débattre au fond des causes et des conséquences des migrations. À elle seule, cette situation justifie la mobilisation de la société civile pour construire des réponses dignes des valeurs inscrites au fronton de notre République.
Force est de constater que la mondialisation du libéralisme économique, qui implique l’ouverture massive des marchés et se traduit par une répartition des richesses chaque jour plus inéquitable, est l’une des cause qui suscite la crainte du déclassement et de l’exclusion, particulièrement pour les classes populaires. Cette situation est l’une des causes du phénomène de « repli sur soi » et de « rejet de l’autre », de l’étranger, observée dans la plupart des pays d’Europe.
Le discours gouvernemental actuel ne fait malheureusement que renforcer, par les mots utilisés, la perception d’une France « submergée » par d’hypothétiques vagues migratoires, masquant une réalité beaucoup plus troublante : la France a jusqu’alors seulement été incapable de s’organiser pour accueillir dignement les personnes cherchant refuge dans notre pays. Rappelons la réalité : en 2017, 14 % des demandes d’asile déposées dans les pays de l’Union européenne l’ont été en France, 5 % au Royaume-Uni ou en Espagne, 9 % en Grèce, 20 % en Italie et 31 % en Allemagne (198 000 demandes).
C’est pourquoi, face au discours justifiant une politique migratoire ferme, voire dans certains cas répressive, dans le seul but de « sauver le droit d’asile », la Ligue de l’enseignement rappelle avec force que les migrations ont contribué à faire et font encore aujourd’hui, la richesse de notre pays.
Mouvement d’éducation populaire qui pense, qui dit et qui agit, la Ligue de l’enseignement, ses fédérations, associations et adhérents contribue aux très nombreuses actions conduites sur le terrain par des citoyens, des associations, des entreprises, des collectivités locales, qui au quotidien, accueillent, accompagnent, intègrent les migrants.
Elle appelle le gouvernement et le Parlement à reconnaître, à faire connaître et à soutenir la mobilisation citoyenne notamment par :
- la suppression en droit du « délit de solidarité »,
- l’autorisation d’accès au travail et à l’engagement citoyen (service civique, réserve citoyenne) pour les demandeurs d’asile,
- le financement des actions permettant l’éducation des citoyens sur les questions migratoires et les projets interculturels et de promotion de la laïcité.
Déclaration adoptée à l’unanimité par le Conseil d’administration réuni à Paris, le 12 avril 2018.