La Ligue de l’enseignement prend acte de l’ambition sociale affichée par le ministre de l’Éducation nationale en cette rentrée. Pour autant, les chantiers concrets annoncés par le ministre en relais du Comité Action Publique 2022 nous semblent encore en deçà des défis existants. Pour certains, ils vont dans le sens du renoncement à une réelle ambition de lutte contre les inégalités de réussite éducative.
Si la priorité au primaire et les dédoublements en CP et CE1 sont indéniablement des mesures de justice sociale, la crainte demeure du risque de « vases communicants » liés à la faiblesse des engagements pour le reste de l’éducation prioritaire et les autres niveaux de scolarité. Elle est confortée par l’absence de priorité affichée pour les territoires (notamment relevant de la politique de la Ville ou du milieu rural) et les publics les plus éloignés du droit à une éducation commune de qualité (populations paupérisées, en situation de handicap, mineurs migrants isolés, Roms…).
Le retour d’une politique injonctive sur les méthodes pédagogiques, inspirées d’une vision mécanique et patrimoniale des savoirs, n’est pas de nature à conforter la professionnalité des enseignants. Or, elle est indispensable pour promouvoir une éducation émancipatrice, et lutter contre les difficultés précoces et durables des jeunes les plus fragiles. Le plan ambitieux de formation initiale et continue, renforçant les coopérations entre éducateurs, qui a été annoncé reste à concrétiser, et la Ligue y apportera toute sa dynamique.
Nous espérons également que la volonté d’autonomie locale des établissements scolaires ne se fera pas sous les seuls motifs d’une mise en concurrence des offres scolaires et d’un pilotage par les résultats dont on peut constater les effets pervers dans d’autres pays. Le séparatisme social et culturel dans l’organisation de filières et d’établissements de formation en serait accru, avec de plus une insuffisante régulation du secteur privé.
Il nous semble par ailleurs essentiel d’anticiper la restriction prévisible de l’accès à l’enseignement supérieur. Le défaut de moyens d’accompagnement de la personnalisation des parcours (notamment d’orientation), de passerelles entre filières, ou de droit à la césure, à la réorientation et à la formation récurrente en sont la cause principale. Le risque serait grand sinon de voir progresser un élitisme méritocratique qui n’aurait pour seule conséquence que d’amplifier la reproduction sociale existante, et de ne promouvoir que des « exceptions consolantes » pour quelques élèves issus des milieux populaires.
Nous regrettons enfin l’abandon progressif d’une approche partagée de l’éducation, avec le recul marqué des projets éducatifs de territoire et de la semaine de 4 jours et demi. C’est un renoncement collectif à une formation citoyenne et culturelle d’excellence pour tous, sur tous les temps et territoires de vie des enfants et des jeunes. Il est ainsi essentiel que le Plan mercredi devienne un cadre de remobilisation de tous, et non une simple disposition de garde des enfants sur le temps périscolaire.
Parce que ces défis nécessitent la coopération de tous les éducateurs, la Ligue de l’enseignement, ses 103 fédérations départementales et les milliers d’associations qu’elles rassemblent, ne peuvent que souhaiter le renforcement d’une concertation large autour des politiques éducatives à tous les niveaux et sur tous les territoires. Cette condition est essentielle à l’objectif affiché et partagé de la promotion d’une École qui redonne confiance en un avenir commun et solidaire.
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