Après « Histoire d’un secret » en 2003, « Entre nos mains » en 2010, et une série de documentaires réalisés pour Arte en 1994, Mariana Otero est actuellement à l’affiche avec « À ciel ouvert ». Présenté lors des États généraux du documentaire à Lussas en août 2013, ce film nous fait pénétrer dans le quotidien d’un établissement accueillant des enfants qui rencontrent des difficultés psychiques.

 

Situé en Belgique à quelques kilomètres de la frontière française, Le Courtil est un institut médico-pédagogique qui accueille plus de deux cent cinquante enfants souffrant de troubles psychiques. Mais ce n’est pas l’institution en elle-même qui intéresse la réalisatrice Mariana Otero. En choisissant de centrer son film sur un petit groupe d’enfants et sur les adultes qui les accompagnent, elle nous entraîne dans la découverte de leur univers, de leurs troubles, des activités menées avec divers intervenants.

À voir, à l’occasion d’un repas, la perturbation qu’apporte l’arrivée d’un nouveau parmi les enfants, on imagine le temps et la patience qu’il a fallu à la cinéaste pour faire accepter sa présence et pouvoir ainsi réaliser un film en immersion. Sans rien cacher de cette présence ni de l’interaction qu’elle produit avec le réel, elle peut alors nous faire partager le quotidien des enfants. Et l’émotion peut s’exprimer d’autant plus facilement que l’atmosphère qui règne est apaisée.

Mais la réalisatrice a également su se faire accepter des équipes d’intervenants. Faisant alors œuvre de pédagogie sur la psychose et les fondements de la théorie de Lacan, elle nous fait participer à la concertation entre les membres de l’institution, à leur réflexion collective et nous fait partager des entretiens avec quelques-uns d’entre eux.

L’équilibre entre les scènes du quotidien filmées en empathie, les activités, les ateliers et les temps de réflexion est ensuite l’affaire du montage dont quelques-uns des enjeux sont d’éviter un aller-retour systématique entre les enfants et les adultes, d’harmoniser ce qui relève de l’intelligence et ce qui relève du sensible, de préserver tout à la fois l’émotion et la réflexion. Parfaitement réussi, ce travail subtil fait de À ciel ouvert une œuvre à la fois touchante et passionnante.

LE CHOIX DE LA BELGIQUE

Le projet de Mariana Otero de traiter un tel sujet est assez ancien. Et le choix de la Belgique n’est pas anecdotique. Il intervient alors que la psychothérapie institutionnelle est en net recul en France et à Saint-Alban, haut lieu symbolique de cette pratique. La difficulté générale liée à la production de documentaires en France y est également pour quelque chose. Et c’est pendant ses différents repérages, menés dans plusieurs établissements, en France et à l’étranger, qu’elle fait réellement le choix de la Belgique, lorsqu’elle rencontre une des équipes du Courtil, avec laquelle elle s’entendra particulièrement bien.

D’AUTRES FILMS SUR LE MÊME SUJET

Aussi, pour prolonger la découverte de À ciel ouvert, on pourra revoir avec grand intérêt le magnifique film de Mario Ruspoli, Regards sur la folie ainsi que François Tosquelles, une politique de la folie de François Pain.

● Article publié dans « Les Idées en mouvement » par Gérard Lecann

En salle depuis le 8 janvier.
Pour aller plus loin :
www.acielouvert-lefilm.com , avec notamment des interventions de la cinéaste et des témoignages de spectateurs recueillis lors des séances.

À ciel ouvert, entretiens. Le Courtil, l’invention au quotidien (Éditions Buddy Movies) : ouvrage coécrit par Mariana Otero et Marie Brémond,
l’une des intervenantes, dans lequel elles croisent leurs regards sur leurs pratiques professionnelles respectives.